Gabriel Vancura : « Clown un jour, Clown toujours ! »

Nom : Vancura (Il est inconnu de tout le monde, y compris de ses collègues du cirque.)
Prénom : Gabriel
Second Prénom : Emil (De même, il est lui aussi inconnu du grand public.)
Nom de scène : Le Clown Silencieux (Le public ne le connait que sous ce nom)
Date de naissance : 03 décembre
Âge : 19 ans
Nationalité : Tchèque

Rang : C'était un clown réputé dans son pays, sa spécialité étant de mimer. Il a quitté la République Tchèque pour le cirque de Bonna Venisa.
Famille : Son père Dobromil, sa mère Berta et sa sœur Dorota sont restés en République Tchèque. Gabriel a également de nombreux oncles, tantes et cousins, mais il ne serait pas intéressant de tous les citer. Quant à ses grands parents, ils sont tous morts à l'exception de sa grand-mère Linda.
Double compte ? Non

Taille : 187 centimètres
Corpulence : Gabriel est plutôt grand. Il est également mince, ce qui lui donne une silhouette très longiligne en temps normal. Pour ses numéros de cirque, il porte des habits amples et rembourrés pour paraître beaucoup plus gros.
Droitier/Gaucher : Droitier
Couleur des yeux : Ses yeux sont d'un vert qui tire très fortement vers le marron clair.
Coupe de cheveux : Puisqu'il porte une perruque pour son métier, Gabriel ne peut pas porter de cheveux longs. Néanmoins, ce n'est pas une raison pour lui de se raser le crâne : il a donc une petite longueur. Il n'a pas de véritable coupe, préférant les laisser libres quand il le peut.
Couleur des cheveux : Entre le blond et le châtain.
Couleur de peau : Il a la peau assez claire.
Bijoux : Il porte toujours un pendentif en forme de renard, offert par sa grand-mère Linda.
Style vestimentaire : Gabriel aime la sobriété pour la vie de tous les jours. Il porte assez peu de couleurs, songeant que celles de son costume lui suffisent amplement. Il préfère les tons sombres, mais n'est pas contre des tenues claires de temps en temps. Il préfère les tenues d'hiver aux tenues d'été. Il n'est pas très intéressé par la mode car il ne comprend qu'on puisse dépenser autant pour quelque chose qui ne se portera plus l'année prochaine. Dans la vie quotidienne, Gabriel préfère ce qui est sobre et discret : cela est sans doute dû au fait que lorsqu'il travaille, il est exubérant et porte des vêtements colorés. Cela lui permet de bien faire la part des choses entre le travail et les loisirs.

Costume de clown diurne : Le visage maquillé en blanc, avec une bouche rouge, un œil bleu et un autre jaune, met en valeur le gros nez rouge. Sa perruque est verte. Sa caquette est constituée de carreaux vertes, jaunes, bleus et rouges. Son nœud papillon est assorti à la casquette. Son costume en velours renvoie la lumière : le haut est bleu, le bas est un pantalon bouffant dont les carreaux sont eux aussi identiques à ceux de la casquette. Il porte une énorme ceinture rouge, qui tombe un peu sur ses hanches. Ses chaussures vertes à lacets bleus sont immenses ; les semelles sont jaunes, Gabriel les lave régulièrement pour qu'elles conservent leur teinte d'origine.

Costume de clown nocturne : Gabriel porte un masque blanc qui lui donne des traits terrifiants. Ce masque contient aussi les cheveux, trois touffes rouges de cheveux bouclés. Pour le reste, sa tenue est plus sobre : un pull rouge, une écharpe rouge, un pantalon rouge retroussé forment son costume de clown démoniaque. Il l'assortit souvent à des gants rouges, des chaussettes rayées multicolores et des baskets blanches, mais cela peut varier selon les disponibilités. Si en dehors du masque, ses vêtements sont simples, c'est parce que Gabriel ne voudrait surtout pas que le cirque sache qu'il se déguise parfois la nuit : c'est mauvais pour l'image.

Phobie : Gabriel n'a pas de phobie particulière. Il sait en revanche qu'il fait peur à ceux qui ont la phobie des clowns.
Aime : Côté cœur, il a une préférence pour les blondes à longs cheveux. Il aime bien sortir et faire la fête, mais il a toujours une réserve à ce sujet. Il est passionné par son métier de clown. Il aime aussi lire quand il a le temps, sans toutefois être un intellectuel. Il recherche le côté sombre de la vie, mais n'est jamais certain de l'avoir trouvé.
Déteste : Ce n'est pas une personne extrêmement difficile. Il n'y a rien qu'il déteste vraiment. Certes, il n'aime pas être importuné, perdre son emploi ou encore être dépendant de ses parents alors qu'il s'assumait auparavant : mais qui ne le serait pas ? Sa personnalité de clown prend beaucoup de place, ce qui l'amène à être joyeux et inventif. Il a parfois du mal à détester quelque chose : il préfère le tourner en ridicule.

Qualités : drôle – ridicule – gentil – persévérant - entreprenant
Défauts : lunatique – ambitieux – têtu – effacé dans la vie quotidienne - effronté
Lui et le cirque : C'est une histoire d'amour qui a commencé dès le premier stage. Gabriel adore l'ambiance d'un crique. Celle de Bonna Venisa l'enchante particulièrement, parce qu'il s'agit d'un grand cirque et qu'on y croise une foule de gens avec des talents exceptionnels. Le spectacle est toujours grandiose, et c'est ce qu'il recherche.
Le clown diurne : Un clown joyeux et dynamique, très drôle, qui fait toujours rire les enfants. Au fil des ans, Gabriel gagne en maturité, et les réflexions du clown muet deviennent de plus en plus profondes. Le diurne ne parle pas durant ses numéros, préférant le langage du corps à celui des mots.
Le clown nocturne : Plus sombre, le nocturne est assez taciturne. Il a un aspect effrayant, mais ne s'en sert pas pour nuire aux autres. Il transporte avec lui une vraie tristesse, camouflée par son masque. C'est le côté sombre de Gabriel, là où s'expriment ses mal-êtres et ses défauts.

Gabriel n'est pas italien : il est tchèque. C'est là-bas qu'il a passé son enfance et une grande partie de son adolescence.
Il est le fils de Dobromil et Berta Vancura, couple tchèque domicilié à Ostrava, qui est la 3e ville la plus peuplée du pays. La famille a toujours vécu dans cette région, que l'on nomme Moravie-Silésie. Lorsque Gabriel est né, cependant, il ne vivait pas encore en République Tchèque mais en république fédérale tchèque et slovaque. Ce n'est que le 1er janvier 1993 que le pays actuel a été constitué, séparant définitivement la Slovaquie de la République Tchèque. Gabriel est trop jeune pour s'en rappeler, mais ses parents eux s'en souviennent très bien. Sa sœur Dorota, de cinq ans son ainée, conserve quant à elle quelques souvenirs.
La famille Vancura n'est ni riche, ni pauvre : elle se situe dans la moyenne. Les Vancura avaient parfois du mal à joindre les deux bouts lorsqu'il fallut payer l'école de Gabriel : mais depuis que celui-ci est parti en Italie gagner son propre argent, ils n'ont plus vraiment de problème.

Tout bébé déjà, Gabriel était joyeux. C'était un bébé des plus mignons, adorable avec ses grosses pommettes, ses cheveux clairs et bouclés, son nez qui avait tendance à rougir. Très tôt, il se mit à rire et à sourire, très éveillé au monde qui l'entourait, provoquant l'émoi de ses parents. Ils étaient sous le charme de ce drôle de petit être. Dès qu'il sut marcher, Gabriel commença à faire des farces. Les premières furent bien sûr maladroites et assez peu drôles. Il commença d'abord par jeter son doudou, amusé par le bruit que faisait le lapin en peluche lorsqu'il retombait. Puis il le jeta sur les personnes qui passaient près de lui, car c'était encore plus drôle de voir le lapin rebondir : cela faisait deux fois plus de bruit. Comprenant ainsi qu'il existait quelque chose au monde qui s'appelait l'humour, il continua dans cette lancée. Pourquoi se contenter d'un simple lapin en peluche ? Il aurait bien jeter quelque chose de plus gros, qui aurait fait encore plus de bruit : mais non seulement il n'était pas assez fort pour soulever les objets qui l'inspiraient, mais en plus les rares fois où il l'avait fait, il s'était fait sévèrement disputer. Non, Gabriel ne doit pas jeter le vase de maman. Soit. Mais n'y a-t-il pas d'autres choses à faire avec un vase ? Il essaya donc de mettre sa soupe de légumes dans les pots de fleurs – de toute façon, elle était froide. Le résultat ne fut pas immédiat, mais à force de subir ce régime, les fleurs en prirent un coup. Et le temps que Berta soupçonne que son petit garçon était à l'origine de tout cela, il était déjà trop tard : Gabriel avait compris le principe des blagues et des farces. Faire peur à sa maman, ouvrir les robinets de la salle de bain, jeter son pain sur le visage de son père, cacher les couches pour éviter de se faire changer furent très vite des habitudes du jeune Gabriel. Après avoir fait la vie dure à ses parents pendant trois ans, ceux-ci durent se rendre à l'évidence : leur fils était un clown né. Sa dernière bêtise fut de se colorier le visage avec de vieux feutres abîmés. Cela inspira la carrière auquel le petit était promis.

Dès l'âge de trois ans, il fut inscrit dans une école de cirque amateur pour les jeunes enfants. En effet, l'enseignement pré-scolaire en République Tchèque n'est pas obligatoire : les parents de Gabriel décidèrent de lui faire suivre des cours de cirque plutôt que de l'amener à la maternelle. Le prix était sensiblement plus élevé, mais cela en valait la peine. Inscrit en tant que clown en herbe, le petit garçon étudia les classiques du métier : tarte à la crème (qu'il apprécia particulièrement, parce qu'elle était délicieuse à manger), chutes comiques, petits tours où les gamins se tournaient au ridicule... Gabriel adora cette école. Il se révéla très bon dans tous les domaines, et excellent dans un en particulier : le mime. Ainsi, les chutes étaient sa spécialité, et il était hilarant quand il faisait de petites scénettes comiques : ses gestes un peu enfantins et son air espiègle étaient adaptés à la situation. À la maison également, l'ambiance s'améliora : finies les farces douteuses où le petit garçon ne faisait rire que lui-même, désormais, il répétait ce qu'il avait appris la journée et faisait rire aux éclats sa grande sœur Dorota. Lors des réunions de famille, il avait toujours un petit spectacle de prêt. De lui-même, il préférait ce qui était muet, disant que cela était plus drôle car l'humour n'a pas besoin de mots pour s'exprimer.

Quand vint le temps de l'école obligatoire, les pédagogues de l'école de cirque conseillèrent aux parents de lui faire suivre un parcours spécial : celui de clown. À côté de l'enseignement primaire, il préparerait déjà son avenir et était sûr de faire quelque chose qui lui réussirait, car Gabriel était déjà très drôle et ne pourrait que s'améliorer avec des années pratiques. Malgré la peur que Gabriel change d'avis en grandissant, ils écoutèrent les conseils des pédagogues et inscrivirent le petit garçon dans une école spécialisée dans la formation des clowns. Gabriel en fut tout de suite enchanté. Il se plut énormément dans cette école. Bien sûr, l'enseignement primaire, identique à celui d'un parcours classique, était plus difficile à maîtriser avec moins d'heures de cours classiques : toutefois, Gabriel s'en sortit honorablement, étant toujours légèrement au dessus de la moyenne. Pour être clown, ce n'était cependant pas l'essentiel. Aussi les succès du petit garçon dans les matières classiques n'avaient pas d'importance : l'essentiel était qu'il acquière certaines connaissances de base. Ce type de cours n'était donc pas aussi formel qu'un cours dans une école habituelle. Il y avait beaucoup moins d'élèves par classe. Le professeur se montrait plus attentif et plus ludique : ayant affaire à de futurs clowns, il avait tout intérêt à amuser la galerie. Brimer de tels enfants n'aurait servi à rien : il fallait leur apprendre à séparer le métier de la vie quotidienne. Ils étaient des clowns, certes, mais n'avait pas besoin de l'être tout le temps. Le professeur devait leur apprendre cela, quitte à se montrer plus strict lorsqu'il sentait que cela déviait un peu trop vers la rigolade. Mais en aucun cas il ne punissait les élèves. C'était quelque chose de primordial dans cette éducation.

À côté, les cours de clowns étaient beaucoup plus amusants. La scolarité se déroula en trois temps. Le premier fut celui où on déterminait les spécialités des élèves. Ils essayaient toutes les disciplines possibles, touchaient un peu à tout pour élargir les possibilités. Le deuxième temps fut celui où on orientait les élèves vers une spécialité. Chacun recevait un planning de cours personnalisé en fonction de leurs talents. Il y avait des disciplines majeures et mineures, dont le nombre exact variait selon les élèves. Ces disciplines étaient spécifiques à la dominante et au talent des élèves. Ainsi, Gabriel, qui avait la dominance ''Mime'', eut en majeures toutes les disciplines s'y concernant, et en mineures d'autres qui pouvaient y être reliées. Chaque groupe suivant un de ces cours contenait au maximum deux élèves. Les élèves étudiaient les classiques de chaque discipline. Enfin, le troisième temps fut celui où les élèves durent créer quelque chose. Le but était de faire un spectacle. Ils devaient inventer quelque chose de neuf, et non reprendre bêtement les classiques. Car être clown, c'est aussi se renouveler et sortir des clichés habituels. Encadrés par des professeurs qui leur enseignaient la mode actuelle dans le monde professionnel, les élèves devaient créer leur spectacle en fonction de la demande du public. Pour ce faire, ils durent faire des stages dans plusieurs cirques, en compagnie de grands clowns tchèques. Ils observèrent les réactions du public, notèrent ce qui était apprécié, ce qui ne l'était pas, ce qui aurait pu être amélioré... Au terme de leur parcours scolaire, leur spectacle fut monté et chacun eut à se produire devant les professeurs : leur diplôme dépendait de la réussite de ce spectacle. Le groupe de Gabriel réussit avec brio, il reçut son diplôme à quinze ans, qui est l'âge de la fin de l'enseignement primaire en République Tchèque.

L'adolescence avait commencé vers l'âge de douze ans pour Gabriel, et déjà un changement se faisait sentir dans son comportement. Outre une nouvelle maturité, Gabriel commença à s'intéresser aux filles, et notamment à une certaine Charlotte, une jeune française installée dans le pays depuis quelques années. Il l'avait croisée dans la rue alors qu'elle rentrait elle aussi de l'école. Elle devait avoir son âge, mais il n'en était pas sûre. Il avait été instantanément séduit par sa longue chevelure blonde qui se balançait sur ses épaules. Il tenta bien de la séduire, mais sans succès : le petit ami de la jeune fille finit par le menacer pour qu'il la laisse tranquille. Il préféra arrêter, car l'autre était visiblement trop fort pour lui. Il fallait dire aussi que sa carrière de clown n'était pas quelque chose de très utile face à ce type de personnes. Cependant, il continua à la regarder de loin, ce qui explique son attirance vers les filles aux cheveux blonds. Par ailleurs, Gabriel commença à sortir. Bien qu'il restait toujours très correct, il a parfois abusé d'alcool, ce qui l'a amené à abîmer un bon nombre de vitrines dans la rue. Lorsque ses parents se mirent à surveiller ses sorties, Gabriel arrêta tout abus, mais n'en gardait pas moins une frustration, qui viendrait à s'exprimer par la suite dans la personne du clown psychopathe.

S'il avait suivi un cursus scolaire normal, Gabriel serait certainement parti dans un lycée. Mais l'école n'étant plus obligatoire à partir de quinze ans, il pouvait dès lors commencer son métier de clown. Il se fit embaucher dans un petit cirque d'Ostrava, qui comptait à peine une dizaine d'employés. Le directeur n'était autre que le dompteur, M. Tipi. C'était un nom de scène, car il ne dévoilait pas son véritable nom. Il conseilla à Gabriel d'en choisir un, et c'est ainsi qu'il choisit le nom de Clown Silencieux : en effet, ces spectacles étaient entièrement muets, il y avait à peine une musique de fond enregistrée par la fanfare de la ville et généreusement donnée au cirque. C'est ici que Gabriel composa ses premiers numéros, qu'il se confronta pour la première fois seul face à un vrai public, qui découvrit les joies de son métier. Rie n'était plus beau que de faire rire les enfants : leurs éclats angéliques et leurs voix douces enchantait le jeune clown. Il se montrait maladroit et ridicule pour eux, tout dévoué au métier auquel il était promis alors que lui-même avait des éclats de rire angéliques et une voix douce. Pendant les deux ans qu'il passa dans le cirque, son style s'améliora : Gabriel obtint quelque chose de résolument plus moderne et engagé. Il plaisait aux grands et aux petits : sa carrière semblait bien partie.

Pourtant, c'est dans cette période que le clown psychopathe fit son apparition.

Comme dit plus haut, le clown psychopathe est le résultat d'un malaise psychologique dû à l'adolescence. Gabriel avait un besoin de violence et de rébellion, tout comme il en avait eu besoin bébé alors qu'il commençait à faire des farces. Mais cette fois-ci, il était déjà dans le monde de l'humour, habitué à vivre dans un monde gai et coloré, où la raison de vivre est de faire rire. Lui rêvait de liberté : il aurait voulu être un adolescent normal, parfois, car il n'aurait pas été aussi différent d'eux qu'il avait été forcé de l'être. Il voulait de la nouveauté. C'est ainsi qu'il fit connaissance avec cette part sombre de lui-même.

Bien évidemment, le clown psychopathe ne porte pas véritablement ce nom : il se fait plutôt appeler le clown nocturne. Mais cela ne change rien à son aspect effrayant : il a vraiment une tête de psychopathe. Depuis qu'il travaillait au cirque et qu'il s'assumait financièrement, ses parents commençaient à le laisser tranquille. Il se fit faire un masque monstrueux, s'acheta des vêtements rouges pour aller avec les cheveux qui y étaient collés, et garda ce déguisement de côté. Il ne savait pas si cela valait le coup de l'utiliser : après tout, il se sentait bien dans son rôle de clown habituel, c'était le Gabriel normal qui avait plus de problème. Mais il se rassurait en se disant que si tout tournait mal, il pourrait rejoindre un cirque des horreurs en tant que clown psychopathe.

Face à ces interrogations, Gabriel était comme fragilisé, hésitant. Il ne savait parfois pas quoi faire dans sa vie quotidienne. En tant que clown, il était très doué, mais il savait que la vraie vie ne fonctionnait pas ainsi : on ne s'en sortait pas avec une blague bien lancée. La vie était plus sombre et plus complexe. Gabriel n'osait plus sortir ni boire, il rendait à peine visite à ses parents, accordant assez peu d'attention à sa sœur Dorota. Il n'osait plus vraiment parler. Il avait l'impression qu'il n'y avait qu'ainsi qu'il se forgerait une autre identité : celle d'une personne normale.

Cela continua jusqu'au jour où il croisa dans la rue son cousin Johan. Beau jeune homme de quelques années pus âgés, il incarnait le bonheur et la joie de vivre. Il se sentait bien dans sa peau et n'avait pas peur de se montrer. Ils ne s'étaient pas vus depuis longtemps, si bien que Johan décida de prendre un verre avec Gabriel. Ils s'installèrent dans un coin de la terrasse ; c'était un beau jour de printemps, le soleil brillait fort dans le ciel et déjà, les premières chaleurs se faisaient sentir. Après la rigueur de l'hiver, il était toujours agréable de se laisser caresser par un rayon de soleil. Johan entamait ses études : il était passionné par ce qu'il faisait, et cela se sentait. Il était plein de projets d'avenir. Il demanda des nouvelles à Gabriel, qui se hâta de les lui donner. Découvrant que l'université et le cirque était relativement proches, ils se donnèrent rendez-vous une fois prochaine. Ils se rencontrèrent d'abord plusieurs fois dans le café, puis, lorsqu'ils eurent plus sympathisé, ils commencèrent à sortir de nuit. Tous les deux étant célibataires, ils espéraient ainsi se trouver une jolie fille. Gabriel se montra plus raisonnable que la fois précédente, car il ressentait toujours une gêne dont il ne connaissait pas l'origine.

Quand on lui annonça que le cirque d'Ostrava devait fermer ses portes pour des raisons budgétaires, ce fut le drame. Gabriel en fut effondré : son numéro était abouti, il plaisait au public, il se sentait à l'aise dans cette vie-là. Et voilà qu'on lui annonçait qu'il allait devoir y renoncer, trouver un autre cirque qui voudrait bien l'accepter. Gabriel avait dix-sept ans, il ne se sentait pas prêt à l'assumer. D'autant plus que crise financière oblige, la plupart des cirques étaient désormais fermés, et ceux qui restaient n'engageaient pas de clown. Gabriel semblait ne plus avoir d'avenir. Il rechercha dans les associations, les comités d'animation, tout ce qui aurait pu avoir besoin d'un clown, mais ceux-ci lui préféraient des clown plus expérimentés. La concurrence était beaucoup trop rude pour un jeune novice. Il fut donc contrait de retourner vivre chez ses parents, à nouveau dépendant. Cette situation désagréable n'avait pas été prévue par le couple Vancura. Par chance, Dorota avait conservé son emploi et prêtait de l'argent à son frère, garantissant à la famille une certaine stabilité. Lorsque la jeune femme passait, elle souriait à tout le monde comme si Gabriel était d'humeur farceuse. Sa situation était confortable, elle avait rencontré un jeune homme plutôt fortuné, ils allaient bientôt se marier, le bonheur était complet. Elle était bien sûr chagrinée par le mutisme de Gabriel, causé par les nombreux rejets qu'il rencontrait.

Gabriel ressortit alors sa panoplie de clown psychopathe : elle était un peu poussiéreuse, mais elle avait gardé son aspect effrayant. Il s'habilla en rouge, le masque sous le bras, et sortit un soir. Depuis qu'il était revenu chez eux, la surveillance de ses parents avait disparue, ils n'osaient pas l'importuner avec cela. Gabriel se rendit dans un endroit un peu glauque, de ces genres de lieux où on peut se promener déguisé en clown psychopathe sans se faire remarquer. Il mit son masque et passa sa soirée dans un bar souterrain. Vers deux heures du matin, alors que la soirée commençait à peine, il rentra chez lui. Il était enfin serein.

Gabriel prit l'habitude de sortir habillé en clown. Il ne consommait pas toujours, mais il s'amusait bien en compagnie de gens en costumes étranges. On l'appelait ''Le clown'', tout simplement, car pour ces noctambules, un clown psychopathe était bien plus intéressant qu'un clown comique. Ils ne savaient pas que Gabriel était en réalité les deux.

Dorota lui annonça un jour que son fiancé avait une proposition à lui faire : il pouvait s'arranger pour le faire rentrer dans un cirque vénitien. La question était de savoir s'il était prêt à partir en Italie. Dobromil et Berta ne s'y opposèrent pas, la situation étant critique. Cela les dérangeait d'emprunter l'argent de leur fille, et ils voyaient bien que leur fils était malheureux. Il aurait certainement un meilleur avenir s'il partait à Venise, un meilleur salaire, une occasion de s'épanouir. Ils voyaient bien qu'il ne pouvait rien faire ici : il manquait cruellement d'expérience pour véritablement percer. Quant à Gabriel, il était jeune et fougueux, prêt pour une grande aventure. À l'âge de dix-huit ans, il s'envola vers l'Italie, décidé à réussir dans ce pays dont il ne connaissait pas la langue.

Son intégration au cirque se passa bien. Il n'avait pas besoin de parler italien pour faire ses numéros, mais il fit l'effort d'apprendre la langue, qu'il parle désormais avec un léger accent. Gabriel est un clown accompli, désormais épanoui dans son rôle de clown. Pourtant, l'ombre du clown psychopathe rôde toujours...